Culture / Hades & Persephone, A touch of darkness (1) de Scarlett St Clair

Hades & Persephone, A touch of darkness (1) • Scarlett St Clair • 2019

Persephone is the Goddess of Spring by title only. The truth is, since she was a little girl, flowers have shriveled at her touch. After moving to New Athens, she hopes to lead an unassuming life disguised as a mortal journalist. Hades, God of the Dead, has built a gambling empire in the mortal world and his favorite bets are rumored to be impossible. After a chance encounter with Hades, Persephone finds herself in a contract with the God of the Dead and the terms are impossible: Persephone must create life in the Underworld or lose her freedom forever. The bet does more than expose Persephone’s failure as a goddess, however. As she struggles to sow the seeds of her freedom, love for the God of the Dead grows—and it’s forbidden.

J’inaugure ce mois dédié à Perséphone et Hadès par cette romance de Scarlett St Clair qui a fait parler d’elle l’année dernière. Les trois tomes ont été publiés en français chez Hugo Publishing. Elle a publié deux séries autour de ces deux personnages mythologiques, Hadès & Perséphone dont je présente aujourd’hui le premier tome et la saga autour d’Hadès, qui semble être une réécriture de l’autre série, mais du point de vue du dieu des Enfers.

L’auteur propose une réécriture moderne du mythe d’Hadès et de Perséphone, où les principaux éléments sont présents, mais pas tous non plus. Un des grands changements est que l’enlèvement se transforme en un contrat passé entre le dieu et la jeune déesse, quelque peu naïve, lors d’une soirée dans une boîte de nuit détenue par Hadès. Les pouvoirs de Perséphone sont également différents, sans pour autant que ce point m’ait réellement dérangé outre mesure, car ils s’intègrent plutôt bien dans ce nouvel univers développé par Scarlett St Clair.

J’ai globalement. apprécie le monde qu’elle déploie dans ce premier tome, où une nouvelle Grèce voit le jour. L’inspiration de l’Antiquité et de la mythologie est bien présente et intégrée dans le monde moderne. Les dieux de l’Olympe deviennent des célébrités, des magnats de la presse ou propriétaires d’empires immobiliers ou liés aux boîtes de nuit. L’auteur essaie tout de même de garder un lien et leurs pouvoirs ainsi que leurs nouvelles dans cette nouvelle Athènes, où dieux et humains se côtoient.

Il est dommage, en revanche, que le tout reste très centré sur l’univers de Hadès, l’un de ces clubs et son royaume des Enfers. Perséphone permet une légère introduction au monde humain et à la manière dont il interagit avec les dieux. Cependant, elle garde tout de même un point de vue privilégié, car elle est elle-même une déesse mineure, certes, mais qui a tout de même fréquenter des dieux et des déesses de New Olympie. J’aurai aimé un peu plus de développements.

En effet, j’ai l’impression que ce monde se cantonne dans une bulle où uniquement les deux personnages principaux évoluent. Je n’ai pas eu le sentiment que le monde évolue en même temps qu’eux, un comme dans les deux premiers Sims ou une pièce de théâtre où les personnages secondaires arrivent des coulisses où ils attendaient patiemment. Je reste un peu frustrée de ce point de vue, mais je comprends que ce ne soit pas le but de l’auteur.

A touch of darkness est une romance qui puise son inspiration au sein de la mythologie grecque, et notamment des souverains des Enfers. D’autres personnages auraient pu prendre leur place, comme Lucifer, par exemple, que cela n’aurait rien changé. Je l’avoue, par certains aspects, ce roman m’a fait penser à la série du même nom avec Tom Ellis dans le rôle principal.

Toutefois, mon intérêt pour l’histoire et les personnages m’a étonnée. Les romances, même historiques, ne sont pas les ouvrages vers lesquels je me dirige facilement. Je ne regarde jamais, par exemple, les nouvelles publications dans ce domaine. Pourtant, celle-ci a tout de suite attiré mon regard, notamment par son aspect mythologique. Je ne pense pas que je l’aurais lu sans cet aspect précis, ce qui est un point positif qui m’a permis de sortir de ma zone de confort.

L’histoire m’a tout de même énormément plu et j’ai été happée dans les premiers chapitres, même si je ne qualifierai pas le roman de coup de cœur non plus. J’ai apprécié le fait que l’histoire d’amour entre Hadès et Perséphone ne se développe pas aussi rapidement que je l’aurais pensé. C’est surtout ce point en particulier qui me dérange dans les romances. Même si tout est relatif, mais ici, le premier baiser et la première scène de sexe n’interviennent que dans le dernier tiers du livre. A touch of darkness reprend également les clichés que l’on peut trouver dans ce genre d’ouvrages sans que cela ne m’ait réellement dérangé outre mesure, même si j’avais conscience de leur présence. J’étais particulièrement dans un bon état d’esprit pour me plonger dans cette lecture et l’apprécier. Il est divertissant, avec des personnages attachants.

Néanmoins, j’ai un petit regret, concernant l’écriture. Le rythme n’est pas toujours égal d’un bout à l’autre du roman. Il démarre plutôt bien, puis le deuxième tiers s’essouffle un peu. L’intrigue se concentre sur des petits riens de la vie de Perséphone qui sont plus ou moins intéressants. Cela reprend de plus belle dans le dernier tiers. La fin n’est pas surprenante. Elle est totalement celle que j’attendais en commençant le livre. J’ai aimé le fait qu’elle soit fermée. Le lecteur peut choisir d’arrêter la série là ou de continuer.

En refermant ce livre, je ne savais pas trop si j’avais envie de continuer ou non la série. Certes, je l’ai apprécié, mais de là à poursuivre…

Culture / Eurydice déchaînée de Melchior Ascaride

Eurydice déchaînée • Melchior Ascaride • 2021

Orphée n’a pas pu ramener Eurydice des Enfers. Ou n’a-t-il pas voulu ? Trahie par son époux, abandonnée à la merci d’Hadès et aux ténèbres du sous-monde, la dryade n’a plus qu’une idée en tête : se venger. Défiant monstres et dieux, Eurydice débute une odyssée dans l’au-delà afin d’accomplir ce qu’aucun mortel n’a jamais réussi, s’échapper du séjour des morts.

Eurydice déchaînée est un roman graphique français qui sort de l’ordinaire, à la fois pour l’histoire et l’objet en lui-même.

En effet, la mise en page est originale. Le texte répond et se mêle parfaitement aux illustrations. Il faut parfois tourner l’ouvrage dans tous les sens pour pouvoir continuer la lecture. Il y a un véritable jeu entre les deux, et avec la typographie. Il joue avec les polices de caractère, la taille, mais aussi les couleurs, entre le bleu et le noir. Le seul reproche que je peux formuler à l’encontre de ces jeux est qu’il y a des moments où cela devient illisible ou donne mal aux yeux. C’est très rare, mais ces passages donnent une petite note négative.

Concernant les illustrations, mon appréciation d’elles se fait au cas par cas. Certaines m’ont plu, et d’autres non. Le style est un peu particulier, très inspiré de la bande dessinée d’heroic fantasy. Elles sont en revanche bien en lien avec l’histoire, anticipant parfois les événements à venir. Les couleurs dominantes sont le bleu et le noir, comme la typographie. J’ai aimé l’utilisation exclusive de ces deux couleurs. Elles donnent un côté froid qui va parfaitement avec les Enfers, et côté guerrier et revendicateur de l’intrigue.

J’ai aimé cette dernière. Il est rare de voir Eurydice prise comme personnage principal d’une réécriture de la mythologie grecque. Orphée est descendu aux Enfers pour aller chercher sa tendre et douce Eurydice… Mais en se retournant, il la condamne à errer.

Elle se révèle être une parfaite héroïne dramatique et pour un récit initiatique. Melchior Ascaride pose une question intéressante : et si, en réalité, Orphée n’avait pas voulu la sauver ? Et s’il voulait juste chanter ses louanges en tant que héros ? Voir sa gloire louée pour avoir tenté l’impossible ?

J’ai redécouvert le personnage d’Eurydice et son potentiel, adorant son évolution au fil des pages entre sa libération, et les événements qu’elle entraîne. C’est rythmé, mais un peu construit comme un jeu vidéo avec des séquences à passer avec des divinités mineures des Enfers, avant d’affronter Hadès, le dieu tout puissant et son armée. Certaines transitions auraient mérité d’être mieux travaillées. J’ai parfois eu le sentiment de sauter du coq à l’âne.

Le style d’écriture est particulier, mais il ne m’a pas dérangé. C’est Eurydice qui parle et qui s’adresse à différents personnages dont Orphée, qu’elle prend à partie et tutoie. Il y a quelque chose de très frontal et brutal dans ce style, mais également de dynamique. C’est étonnant également par le niveau de langage utilisé. Ce dernier est très familier, avec de la vulgarité. Cela change de ce que j’ai pu lire jusqu’à maintenant dans ce domaine, avec peut-être l’exception de Bull de David Elliott.

Eurydice déchaînée est une belle découverte. Je ne connaissais ni l’auteur ni l’éditeur, mais c’est une belle surprise. Cependant, ce n’est pas un coup de cœur. Il n’était pas loin, mais il y a tout de même des petits défauts. Je tiens quand même à souligner les originalités du roman avec les illustrations, Eurydice comme personnage central. C’est aussi un des rares ouvrages français que j’ai trouvé en faisant mes recherches pour cette thématique annuelle.

Culture / Les Ménades de Nicolas Texier

Les Ménades • Nicolas Texier • 2021

Parties se livrer à des rites dionysiaques, trois jeunes filles marginales échappent au raid des pirates venus enlever tous leurs proches. Les apprenties ménades décident alors de tout quitter dans l’espoir de pouvoir libérer les leurs lorsque les pirates les auront vendus comme esclaves. Or, ces guerriers originaires de Thèbes s’avèrent avoir un but : poursuivre l’étrange mage échoué sur l’île des trois jeunes filles et qui les a initiées au délire. De la prison du minotaure jusqu’aux terres des cyclopes et aux palais marins des naïades, cette quête entreprise par les ménades aux confins de la Méditerranée les mènera à découvrir la véritable nature du mage et la raison de la haine que lui vouent les Thébains, mais surtout à se découvrir elles-mêmes à travers les épreuves, jusqu’à atteindre liberté et connaissance de soi.

Je l’avoue, rares sont les auteurs français s’inspirant de la mythologie grecque. Mais, j’ai été ravie d’en trouver, de voir que de nouvelles publications ont été faites cette année dans ce domaine… Malheureusement, Les Ménades a été une horreur à lire.

L’auteur s’inspire largement de la Grèce antique et de sa mythologie. Les Ménades sont des femmes qui font partie du cortège du dieu Dionysos et/ou qui célèbrent ses mystères. Le lien avec les trois personnages principaux est leur volonté farouche de vivre libre. En effet, elles avaient pour habitude de danser, chanter et faire du bruit dans les forêts et les montagnes. L’univers est fouillé et largement documenté. Cependant, ça ne fait pas tout.

J’ai eu beaucoup de mal à m’intéresser aux personnages principaux, trois jeunes filles qui cherchent à casser les codes où elles sont enfermées, à briser les carcans de la société grecque antique. Cette dernière les oblige à être obéissantes, à se soumettre à leur famille, puis à leurs futurs maris. Leur soif de liberté et d’indépendance les met quelque peu à la marge de la communauté de leur petite île. Pourtant, ces aspects de leurs personnalités ne m’ont pas du tout charmé. Il faut dire que les rares fois où elles parlent, il y a quelque chose de vulgaire qui en sort, et qui est totalement inutile. Ça n’apporte rien à l’intrigue, qui est déjà bien assez dure à suivre.

En effet, le style dessert totalement cette histoire qui aurait pu être résolument épique, une nouvelle odyssée féminine avec des personnages forts. C’est pompeux et alambiqué à souhait et une absolue horreur à lire. Les phrases sont beaucoup trop longues et le lecteur inattentif pourra vite en perdre le fil. Il y a des envolées pseudo-lyriques parfois interminables, mais surtout creux.

Ce roman est la version littéraire de quelqu’un qui aime s’entendre parler, donnant ainsi une intrigue lourde au style indigeste. Impossible de rentrer dedans et les personnages n’y aident pas du tout. Finalement, il m’a été impossible de me plonger pleinement dedans. J’ai eu le sentiment que l’auteur rejetait toutes mes tentatives de rentrer dans l’histoire. Il faut rester à la fenêtre et juste entrevoir ce qu’il se passe.

J’ai très rapidement lâché l’affaire et Les Ménades est clairement le pire livre que j’ai pu lire pour ce thème autour de la mythologie grecque et de ses inspirations. C’est le roman à fuir !

Culture / Galatea de Madeline Miller

Galatea • Madeline Miller • 2013

Now his wife, Galatea is expected to be obedience and humility personified, but it is not long before she learns to use her beauty as a form of manipulation. In a desperate bid by her obsessive husband to keep her under control, she is locked away under the constant supervision of doctors and nurses.

Cette nouvelle de Madeline Miller a été rédigée entre Le Chant d’Achille et Circé. J’ai beaucoup ce dernier roman, et un peu moins le premier. Aucun des deux n’est présent sur le blog, et je ne les ai pas relus pour cette thématique annuelle, même s’ils y rentrent parfaitement. J’ai préféré me concentrer sur les réécritures que je n’avais pas encore lues, dont cette nouvelle qui s’est révélée décevante.

Galatea fait une centaine de pages, et la seule originalité de cette dernière est d’être une réécriture d’une des histoires les moins connues de la mythologie grecque. Il a été un peu plus représenté dans l’art, avec des œuvres signées Gérôme, Edward Burne-Jones, François Boucher, pour citer quelques noms connus. L’histoire est celle du sculpteur Pygmalion. Il sculpte une femme d’une grande beauté, dont il tombe éperdument amoureux. Aphrodite, déesse de l’amour, va donner vie à cette sculpture, Galatée. J’apprécie énormément ce mythe, et j’étais ravie de voir que Madeline Miller, connue pour ses réécritures de la mythologie grecque, s’y intéresse. Cependant, l’originalité du sujet est le seul point positif de cette nouvelle, dont l’exécution est loin d’avoir la qualité que j’attendais.

L’idée de l’auteur de la voir comme froide et inanimée, pareil au marbre dont elle est issue, malgré le don d’Aphrodite, est bonne. Cependant, il manque tout de même de profondeur à Galatée, qui reste trop lisse alors qu’elle montre parfois une envie de briser ses chaînes. Il n’y a pas de construction progressive du personnage, quand elle commence progressivement à sortir de son cocon. Je m’attendais à plus de violence, à une tornade prête à tout, mais non. Il manque des explications au milieu, quelques péripéties. Pour autant, les thèmes évoqués sont passionnants et restent terriblement d’actualité : les violences domestiques, l’objectification de la femme, la recherche absolue de la beauté et de la perfection. Mais, comme tout dans cette nouvelle, ils sont simplement effleurés.

Il y a tellement de potentiels dans cette histoire, sur tellement de sujets possibles que c’est frustrant de lire cette nouvelle. La déception est d’autant plus importante. Le format choisi n’est pas le bon, à mon avis. Pour l’ambition que j’ai pu sentir derrière, un roman aurait été plus pertinent qu’une nouvelle. Il aurait permis plus de développement dans les personnages et leurs caractères, pour l’intrigue aussi. Ce n’est clairement pas le meilleur de l’auteur.

Culture / The Children of Jocasta de Natalie Haynes

The Children of Jocasta • Natalie Haynes • 2017

Jocasta is just fifteen when she is told that she must marry the King of Thebes, an old man she has never met. Her life has never been her own, and nor will it be, unless she outlives her strange, absent husband.

Ismene is the same age when she is attacked in the palace she calls home. Since the day of her parents’ tragic deaths a decade earlier, she has always longed to feel safe with the family she still has. But with a single act of violence, all that is about to change.

With the turn of these two events, a tragedy is set in motion. But not as you know it.

Natalie Haynes propose une autre réécriture de la mythologie grecque, autour de la figure de Jocaste, cette fois-ci. Il y a du bon, mais il y a d’autres points qui m’ont laissé un peu plus dubitative par rapport à l’histoire originale.

En effet, le mythe d’Œdipe repose sur l’inceste entre une mère et son fils, qui tue en amont son père. Ce sont deux essentiels de l’histoire, que je m’attendais à retrouver dans cette réécriture. Sans ça, quelle histoire ? Or, ces deux points sont décevants. En premier lieu, le meurtre du roi de Thèbes est essentiel dans le mythe, car c’est cette prédiction qui va déclencher les événements. Or, dans ce roman de Natalie Haynes, il s’agit plus d’un accident que d’un meurtre. À la rigueur, je peux encore comprendre ce subtil changement par rapport au mythe, même si je trouve le meurtre plus fort symboliquement. En revanche, le deuxième point passe beaucoup moins.

C’est-à-dire l’inceste. C’est un sujet évidemment tabou, qui peut mettre mal à l’aise le lecteur. Le mythe a aussi ce rôle d’être cathartique, de constituer des histoires autour de comportements condamnables au sein de la société, comme c’est le cas ici, ou qui donne à réfléchir, comme avec Antigone. L’inceste est au cœur du drame de Jocaste et Œdipe, avec toutes les conséquences qui en découle pour eux, mais également pour leurs enfants et la ville de Thèbes, dont ils étaient roi et reine. Occulter cet élément ou l’amoindrir, c’est enlever ce qui fait la substance du mythe, sa force, la raison pour laquelle il a traversé les âges.

Or, il est véritablement dommage que Natalie Haynes atténue ce point. Il est question uniquement de rumeurs sur un possible inceste entre Œdipe et Jocaste. Il y a un moment où une accusation est lancée, mais elle est vite démentie comme fausse, car provenant d’un personnage qui souhaite se venger du couple. À aucun moment, l’inceste est confirmé, comme dans le mythe. Alors pour quelles raisons Jocaste choisit de se suicider ? Plus à cause des « on-dit-que », du poids du regard des autres et de la dépression que de la culpabilité qu’elle ressent par rapport à l’inceste dont elle s’est rendue coupable. D’un côté, cela rappelle les problèmes actuels, notamment via les réseaux sociaux, mais, en même temps, cela vide le mythe de sa substance, de ce qui fait son intérêt, même si des tabous moraux et sociaux sont transgressés.

Il y a d’autres changements par rapport au mythe que l’auteur propose. En effet, dans The Children of Jocasta, ce n’est pas Antigone qui va à l’encontre des règles et lois de son oncle, mais sa sœur Ismène. Je ne vois pas l’intérêt de ce changement. Cela n’apporte aucun éclairage révolutionnaire sur ce mythe, déjà bien malmené par l’auteur.

Le roman se laisse appréhender aisément, et j’ai relativement apprécié des petits points par-ci, par-là. Par exemple, j’ai aimé avoir toute l’histoire de Jocaste et de ses enfants. Les deux histoires sont parfois racontées séparément avec, d’un côté Œdipe et Jocaste, et de l’autre, Antigone. Le titre me semble un peu trompeur, car il laisse penser que surtout l’après sera évoqués, alors que l’élément commun est Jocaste. J’aurai tout simplement appelé le roman de son nom. En effet, l’histoire passe de sa jeunesse, à son mariage avec le roi de Thèbes et sa vie jusqu’à sa mort. J’ai trouvé intéressant de raconter l’histoire depuis le début, pour la construction des différents personnages, pas seulement Jocaste.

Cependant, je ne suis pas totalement convaincue par la forme proposée par l’auteur pour raconter l’histoire de cette femme. Elle propose une alternance de points de vue. Deux narrations se suivent : Jocaste parlant à la troisième personne et Ismène, avec une narration à la première personne, que je préfère largement pour ce type d’histoire. Outre le fait que c’est bizarre d’avoir une troisième personnage alternant avec une première, je n’ai pas aimé ce va-et-vient non chronologique. Suivre le fil du temps m’aurait plus charmé, car il y aurait eu une gradation dans le drame et ses conséquences, un avant/après.

Par ailleurs, le roman souffre d’une petite perte de vitesse vers le milieu. Il y a eu deux ou trois soirées où j’ai eu un peu plus de mal à m’y replonger. Il se situe entre l’arrivée d’Œdipe à Thèbes et le début de sa relation avec Jocaste et le suicide de cette dernière. Il manque un peu de construction de tension à mon goût.

Mon avis peut laisser que je n’ai pas apprécié ce roman. J’ai quand même passé un bon moment de lecture, malgré les nombreuses imperfections qu’il présente.

Culture / Mythes au carré de Loïc Gaume

Mythes au carré • Loïc Gaume • 2021


Après une réécriture «à l’essentiel» des contes classiques, «Mythes au carré» retrace une quarantaine de récits de la mythologie grecque avec la même exigence de la synthèse : en seulement quatre étapes, quatre cases, et des textes aussi concis que précis.

Comment découvrir les contes et mythes d’une manière différente ? Grâce à cet ouvrage de Loïc Gaume. J’étais impatiente de le découvrir, appréciant cet éditeur pour la qualité de leurs publications. Cependant, celui-ci est loin d’avoir su me charmer.

J’ai trouvé le format original et intéressant. Le carré est amplement présent. Déjà, le livre a cette forme et chaque histoire se déroule en quatre carrés tenant sur une même page. Il y a un côté très minimaliste de ce format, qui m’a énormément plu. Il se retrouve également dans les dessins qui racontent une histoire. Ils se limitent à la tête d’un personnage ou un objet.

Pour ma part, je n’ai pas totalement apprécié les dessins pour plusieurs raisons. La première tient réellement à des goûts personnels concernant l’esthétique. Ils manquaient un peu de magie, ayant un côté brut qui m’a déplu. Ce point a joué sur mon appréciation globale du livre. Par ailleurs, c’est une synthèse parfois très raccourcie des différentes histoires. Parfois, la compréhension est loin d’être aisée. Il faut tout de même avoir quelques connaissances de la mythologie grecque pour reconnaître l’histoire, relier les points entre les quatre images.

L’idée était plus que bonne à mon avis, mais il y a des défauts : des illustrations qui m’ont paru peu travaillé pour un ouvrage où elles sont centrales, le côté parfois trop synthétique des images et histoires dont la lisibilité est parfois gâchée.

Culture / Feux de Marguerite Yourcenar

Feux • Marguerite Yourcenar • 1936

Feux est une suite de nouvelles, de proses lyriques, presque de poèmes, inspirés par une certaine notion de l’amour. Alternant avec des notes sur la passion amoureuse, on y trouve les histoires de Phèdre, d’Achille, de Patrocle, d’Antigone, de Léna, de Marie-Madeleine, de Phédon, de Clytemnestre, de Sappho. « Dans Feux, où je croyais ne faire que glorifier un amour très concret, ou peut-être exorciser celui-ci, écrit l’auteur, l’idôlatrie de l’être aimé s’associe très visiblement à des passions plus abstraites, mais non moins intenses, qui prévalent parfois sur l’obsession sentimentale et charnelle : dans Antigone ou Le choix, le choix d’Antigone est la justice ; dans Phédon ou Le vertige, le vertige est celui de la connaissance ; dans Marie-Madeleine ou Le salut, le salut est Dieu. Il n’y a pas là sublimation, comme le veut une formule décidément malheureuse et insultante pour la chair elle-même, mais perception obscure que l’amour pour une personne donnée, si poignant, n’est souvent qu’un bel accident passager, moins réel en un sens que des prédispositions et les choix qui l’antidatent et qui lui survivront ».

Marguerite Yourcenar est une auteur que j’avais lue alors que j’étais adolescente, mais cela n’a pas été un franc succès. Cependant, comme Zola ou Balzac, elle fait partie de ces auteurs que j’avais envie de relire plus tard.

J’ai voulu retenter l’aventure avec ce recueil de courts textes autour de la mythologie grecque. Malheureusement, malgré tout l’intérêt que je porte à ce sujet, cette lecture s’est révélée houleuse. Je n’ai pas du tout réussi à me plonger dans ces textes. Ce n’est pas tant le sujet de ces derniers qui m’a déplu. À travers des figures mythologiques et historiques, Marguerite Yourcenar écrit à propos de l’amour et de la passion, de leurs violences. Elle se met à leur place. J’ai beaucoup aimé les interludes poétiques entre chaque texte plus long. Ils m’ont plus parlé et touché.

Au contraire, les textes plus longs m’ont quelque peu laissé sur la paille. J’en suis restée totalement hermétique, notamment à cause du style de l’auteur. Il y a plusieurs adjectifs qui me viennent à l’esprit pour parler de cette plume : lourde, prétentieuse et trop intellectualisée à mon goût. De ce fait, ces textes perdent en spontanéité. Certes, Marguerite Yourcenar montre sa connaissance de la mythologie grecque, des mouvements littéraires et artistique de son époque. Mais, du coup, le texte perd de sa force à trop vouloir.

Je suis passée totalement à côté de ce court recueil de nouvelles. Marguerite Yourcenar est définitivement une auteur avec laquelle j’ai énormément de mal, même quelques années après ma lecture.

Culture / Ulysse & Pénélope de Sandra Dufour

Ulysse & Pénélope • Sandra Dufour • 2018

D’Ulysse tout le monde connait les exploits, mais qu’en est-il de Pénélope, la femme de l’ombre, celle qui tisse et qui attend ? Une vision décalée de la célèbre odyssée, où les illustrations en broderie entrent en résonance avec l’intrigue.

Je sors quelque peu de mes habitudes de lecture avec un album jeunesse rentrant dans ma thématique de la guerre de Troie. Ulysse & Pénélope de Sandra Dufour reprend l’Odyssée d’Homère, et je ne suis pas déçue de la découverte. Les Éditions Thierry Magnier ont toujours eu ma préférence par leurs choix éditoriaux de qualité et l’attention apportée à leurs publications. Cet album en est une nouvelle preuve.

Au niveau des textes, le lecteur peut ressentir l’exigence de l’éditeur. Le vocabulaire est riche et varié, même si les aventures d’Ulysse sont rapidement résumées. Il y a une qualité de rédaction qui peut également ravir les plus grands. C’est un point qui, souvent, me fait hésiter avant d’acheter un album de jeunesse. Cependant, celui-ci me fait revoir ma position sur ce type d’ouvrage. L’écriture simple, mais concise m’a énormément plus. L’Odyssée est une histoire que j’apprécie énormément. J’ai lu Homère et un certain nombre de réécritures. Sandra Dufour fait des choix qui m’ont ravi. Elle propose une belle synthèse de cette histoire avec quelques passages qui donne des indices sur la dureté du voyage et la violence inhérente aux aventures de la mythologie grecque. Cela est dit à mot couvert, avec beaucoup de finesse.

Un aspect important de ce type d’ouvrages concerne les illustrations. C’est vraiment ce qui a déterminé mon achat. Sandra Dufour est une artiste qui est passée par les Arts déco de Strasbourg, avant d’apprendre la broderie à Dublin. Brodant également, j’ai été particulièrement sensible aux différentes « illustrations » de cet ouvrage, admirant à chacun des pages la technique de l’artiste dont je ne peux que rêver d’approcher un jour. J’ai adoré le mélange d’impressions textiles et de broderie. Il y a beaucoup de délicatesse et de poésie qui se dégage de son travail. J’ai depuis regardé son site internet et j’adore ce qu’elle fait.

Depuis mon achat, il y a près d’un an, je l’ai lu et feuilleté plusieurs fois avec toujours la même admiration que la première fois. C’est un magnifique ouvrage, qui vient parfaitement compléter ma collection autour de la mythologie grecque.

Culture / L’Odyssée de Pénélope de Margaret Atwood

L’Odyssée de Pénélope • Margaret Atwood • 2005

Dans cette relecture originale du mythe grec, à la fois subtile, féministe et impertinente, Pénélope, hantée par la mort de ses servantes, raconte depuis les Enfers sa propre version de l’histoire : celle d’une femme, d’une épouse, d’une mère et d’une reine bien plus forte que ce que les hommes ont toujours voulu croire.

Margaret Atwood fait partie des auteurs dont j’ai lu une bonne partie de la bibliographie et dont je suis toujours l’actualité. L’Odyssée de Pénélope était le prochain que je souhaitais lire d’elle, appréciant les réécritures de la mythologie grecque.

L’auteur s’intéresse à Pénélope, l’épouse fidèle d’Ulysse, puisqu’elle attend pendant dix ans le retour de son mari, parti pour la guerre de Troie. En attendant, elle est assaillie par des prétendants qui la poussent à se remarier. Tous les éléments du mythe de l’Odyssée sont présents, mais cette fois, c’est Pénélope qui raconte son histoire : la longue attente, l’incertitude de son avenir et le fait de n’avoir aucune emprise sur lui, car elle est tributaire de la volonté des hommes.

J’ai sincèrement apprécié la vision que Margaret Atwood propose de ce personnage, souvent présenté comme l’archétype de la fidélité d’une épouse envers son mari. C’est vraiment ce point qui la caractérise chez Homère. Dans L’Odyssée de Pénélope, elle est loin d’être aussi lisse que dans la mythologie grecque. Elle montre un autre visage qui se révèle un brin sombre. Elle peut être tout aussi rusée et sournoise que son mari. Il faut se méfier des apparences. Elle est montrée comme jalousant sa cousine, Hélène, femme de Ménélas, roi de Sparte et qui s’est enfuie avec Pâris, prince de Troie. Cependant, ce n’est pas de sa beauté dont elle semble envieuse, mais du fait qu’elle a osé s’enfuir des griffes de son mari.

Pénélope n’est pas le seul personnage féminin à retrouver sa voix dans ce roman. La place est également laissée aux servantes de la reine, qui ont connu un sort funeste au retour d’Ulysse. Elles ont été massacrées par ce dernier, pour avoir eu des relations avec les prétendants, sous ordre de Pénélope, mais non de lui. Elles forment le chœur. Quel est le rôle du chœur dans la tragédie ? Il vient généralement commenter l’action dramatique qui se déroule sur scène. Margaret Atwood reprend cet élément classique des tragédies grecques et lui donne un rôle un peu différent.

En effet, c’est en tant que chœur que les servantes vont pouvoir raconter leur histoire, mais également dénoncer la force du patriarcat et les abus qu’elles ont subi. Elles rappellent la dureté de leurs vies, qu’elles soient reines ou servantes. Elles sont uniquement des objets entre les mains des hommes, qui disposent d’elles à leur guise. Margaret Atwood dénonce l’hypocrisie et les injustices entourant la condition féminine, même encore aujourd’hui, en rappelant avec force les doubles standards existants.

Avec L’Odyssée de Pénélope, l’auteur propose une vision moderne et féministe de L’Odyssée d’Homère. Depuis quelques années, il y a un véritable mouvement et engouement pour ce type de réécritures de la mythologie grecque, dont Margaret Atwood propose une œuvre qui reste dans l’air du temps. Ce court roman est un coup de cœur.

Culture / House of Names de Colm Toibin

House of Names • Colm Toibin • 2017

On the day of his daughter’s wedding, Agamemnon orders her sacrifice. His daughter is led to her death, and Agamemnon leads his army into battle, where he is rewarded with glorious victory.

Three years later, he returns home and his murderous action has set the entire family – mother, brother, sister – on a path of intimate violence, as they enter a world of hushed commands and soundless journeys through the palace’s dungeons and bedchambers. As his wife seeks his death, his daughter, Electra, is the silent observer to the family’s game of innocence while his son, Orestes, is sent into bewildering, frightening exile where survival is far from certain. Out of their desolating loss, Electra and Orestes must find a way to right these wrongs of the past even if it means committing themselves to a terrible, barbarous act.

Colm Toibin est un auteur irlandais dont les romans atterrissent souvent dans ma wish-list et pile à lire, mais qui sont souvent des déceptions. J’avais déjà lu Brooklyn, car j’avais adoré son adaptation cinématographique avec Saoirse Ronan, mais sans grand succès. House of Names était dans mes envies de lecture depuis 2017. Ce n’est pas la première fois que je tente cette lecture. Je devais être à mon troisième essai. Je l’ai lu en version papier et numérique, en anglais et en français (La maison des rumeurs). Cependant, je n’ai jamais réussi à m’y plonger.

House of Names propose une réécriture de la mythologie grecque où l’auteur s’intéresse notamment à l’après, quand Agammemnon retourne à Mycènes après la guerre. Le point de vue adopté est celui de Clytemnestre et de ses deux enfants : Oreste et Electra. Oreste n’est pas un personnage que j’ai pu croiser durant mes lectures, où la narration est plus souvent féminine, surtout dans les ouvrages se déroulant après la guerre de Troie. Clytemnestre a un énorme potentiel dramatique, avec un fort caractère qui fait écho à celui de son mari, et, en l’absence de ce dernier, elle a pris goût au pouvoir et souhaite le garder.

Le roman s’ouvre sur son point de vue, alors qu’elle prépare le retour de son mari depuis des années, tout en complotant pour le tuer. J’ai aimé le fait que tout ne va pas se passer comme prévu pour elle et ses enfants, donnant ainsi un début plus que prometteur pour la suite des événements. J’ai eu envie de savoir si elle et ses enfants allaient finalement s’en sortir ou s’il n’y aurait pas un coup d’État à Mycènes.

Ce premier chapitre a vraiment été incroyable et ce troisième essai semblait vraiment bien engagé. Ces premières pages ont été un coup de cœur, et je me suis dit que je m’étais enfin réconciliée avec cet auteur. Il y a une force d’écriture et des émotions incroyables, que j’ai énormément apprécié. Je me suis tout de suite investie dans l’histoire et je suis passée par toutes les émotions possibles du personnage principal. Le lecteur devient presque Clytemnestre : il vit ses humiliations, sa colère et son désir de vengeance. La plume prend aux tripes et j’ai quitté à regret ce premier chapitre pour découvrir celui d’Oreste.

Et là, tout s’est effondré. La plume de l’auteur a perdu de sa force et je n’ai plus retrouvé la même intensité dans les émotions. Le personnage n’est plus du tout le même, c’est désormais un petit garçon d’une dizaine d’années, quelque peu déboussolée par les événements. J’ai trouvé la rupture un peu brutale à mon goût entre les deux. L’intrigue devient moins intéressante et plus lente. L’ennui a pointé son nez rapidement, et j’ai eu de plus en plus de mal à me plonger entre ces pages et j’ai abandonné avant d’arriver au chapitre consacré à Electra. Même l’atmosphère avait changé et je ne m’y retrouvais pas.

Cette troisième tentative de lecture avait vraiment bien commencé, et je pensais avoir enfin levé ma malédiction envers cet auteur, mais rien n’a été plus faux. Je ne pense pas réitérer l’expérience, et Colm Toibin n’est peut-être pas un auteur pour moi.